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take away shows — By Chryde

Protomartyr

Je ne suis pas sûr qu'il nous ait dit bonjour, je ne saurais même dire s'il était là quand nous avons salué les autres. Je ne l'ai vraiment remarqué qu'un peu plus tard, lorsque nous avons commencé à accrocher un petit ampli à la ceinture du guitariste, à essayer de réparer la caisse claire du batteur : il était là, pas loin, avec son blazer un peu trop large et ses lunettes noires, marchant en rond dans la boue bretonne, ne parlant à personne.

J'ai du me dire que le manager de Protomartyr avait l'air d'un bon gros naze. J'ai du me le dire juste avant qu'Henri ne fasse glisser un micro sous sa chemise, me faisant réaliser par un petit geste rituel qu'il était le chanteur du groupe. 

La froideur, la réserve maniérée, hautaine de Joe Casey était aussi agaçante avant le tournage que précieuse pendant celui-ci. Lorsque, dans les douves du Fort St Père, Protomartyr se lança dans son post-punk rigoureux et minimaliste, son petit sourire, son sourcil haut, sa voix qui vient se poser avec un air de ne pas y toucher, donnaient étrangement chair et vie à une musique qui sans ça aurait sans doute été trop sèche. Même la façon dont il s'est éloigné des autres à la fin du premier morceau, sans rien dire, avait soudainement un style fou.

Et il n'est pas facile de garder une attitude dans des douves devenues marécageuses, stigmate de l'averse de la veille, qui avait transformé l'intégralité du site de la Route du Rock en une vaste flaque de boue poisseuse.  Crottés jusqu'au genoux, le pas lourd, nous sommes remontés jusqu'à la grande scène, contraints à rester à l'arrière, et à essayer de faire plus de bruit que l'épandeur affairé à noyer la boue sous un tapis de paille. La machine était furieuse, la musique tout autant. Ce fut une belle rencontre.