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take away shows — By François Clos

Other Lives

Other Lives, c'est ce souvenir magnifique d'un concert en appartement donné en Californie. Nous y étions nombreux, nous avions cette maison avec toute La Blogothèque dedans, délicieux cliché avec sa piscine et le flot des avions au dessus de nos têtes. Le paysage bitumeux de Los Angeles, la grisaille polluée, tout ça m'importait peu, à côté de la musique d'Other Lives. A écrire ces lignes j'entends son écho.

Et puis le temps a passé, le groupe a évolué, nos chemins se sont recroisés. A la monnaie de Paris, le temps toujours gris, la musique toujours aussi belle. Il y avait l'exposition de Marcel Broodhaers, réellement surréaliste, baignée de mots et de collections fantasques. Et les projecteurs. Un concert de projecteurs 8mm ou bien 16, ceux qui font du bruit, déraillent et ronronnent. Ces lumières vacillantes, cette forêt aride, nous nous trouvions dans la cinématographie d'Other Lives... Essayons donc ici de jouer "English Summer", et plus loin, au milieux des palmiers, "I Need A Line". 

L'histoire ne s'arrête pas là. Parce qu'un concert à emporter reste fragile. On pense pouvoir le saisir, et là ! L'émulsion casse, l'alchimie se rompt : il faut retourner aux fourneaux. Un concert à emporter c'est un sacerdoce. On y entre plein de mystique, on y fait venir les copains funambules, qui, impressionnés par l'effort, tentent et retentent la passe pour obtenir la plus réussie. Caméra au point, perche en main, la parade du tournage fait Grand Guignol, et parfois Béjart.

Après le tournage vient l'heure de la post-production ; qu'ils sont opposés ces deux-là ! Le premier s'impose, frontal et exaltant, avant de finir en un clin d’œil. C'est l'espace de la performance, le dialogue avec l'artiste. La seconde se montre sinueuse, retorse, fuyante. Elle s'efface derrière la nécessité de faire quelque chose de sa vie, enfin, disons une activité reconnue comme sérieuse, adulte, rémunératrice. Tout ce que hait le Concert à Emporter.

Ça traîne, l'exposition se termine, le groupe est reparti, l'été file sous nos fenêtres. Patient, le film attend qu'on le reprenne, qu'on en finisse plutôt que de se faire ronger par le remord. A chaque fois, il offre les mêmes paysages où la musique s'élève lentement, où la lumière vacille et les projecteurs ronronnent avant de dérailler. L'écho de la Monnaie se mêle à celui de L.A., j'assiste amusé à cette surimpression mémorielle. Ballotté entre hier, avant hier et aujourd'hui, je deviens presque la musique d'Other Lives.