Meursault

On avait attrapé le groupe en plein vol, quelques jours plus tôt, à l’occasion d’un concert à Paris, pour leur proposer ce tournage, un souhait ardent depuis qu’on avait découvert leur folk brut et rugueux, gorgé d’effets électro. Ils voulaient jouer de nuit après leur set, revenir de leur virée belge deux jours plus tard… On n’avait malheureusement personne de disponible à ces moments-là, mais on avait autant envie qu’eux de provoquer cette rencontre, de les priver de leurs machines-artifices, de les mettre à nu, de ne leur laisser que l’acoustique comme dans leurs morceaux les plus émouvants… Ce soir-là, à l’International, quand le sampler de Neil a lâché au bout de trois chansons et que les guitares ont compensé les beats par des riffs violents, on a vu une version inédite de Meursault, la rage noise et presque extrémiste… et tout aussi emballante. Meursault savait tout faire, la version dépouillée et acoustique tentait d’autant plus.

On a dû s’adapter aux circonstances, se passer du batteur qui venait de conduire un peu plus de  mille kilomètres et dormait dans le camion, épuisé par quinze jours de tournée et de route. On s’était donné rendez-vous dans une maison de la banlieue nord de Paris, une colocation qui se vidait, qui respirait le déménagement et l’abandon à venir. Il faisait un temps magnifique, le petit déjeuner était servi dans le jardin. Les Ecossais étaient épuisés mais souriants. 

Bury me face down
Bury me so that I might see the ground

Un café, des croissants, un banjo à accorder et la voix de Neil Pennycook avait aussitôt retrouvé sa puissance habituelle, saturé les micros, explosé les tympans sous les casques et, avec ces interprétations plutôt douces et lancinantes, rassasié nos amours contrariées pour l’Ecosse. Meursault, un grand cru décidemment, dans tous ses synonymes…