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Liars

Représentez-vous un hangar gigantesque à la hauteur de plafond démesurée, au sol encore trempé par les centaines de caisses en polystyrène remplies de glace échangées le matin-même. Imaginez une odeur de poisson difficilement soutenable et un froid humide à vous glacer les os.

Posez là une immense silhouette en blouse blanche qui gesticule, masquée, dans cet endroit vide et hostile. Rajoutez un drone, une voix grave trafiquée, une rythmique angoissante. Voilà pour le tableau : les Liars seuls dans une halle aux poissons, celle de Rungis.

Nous n'aurions pu rêver meilleur endroit pour créer ce nouvel Empty Space : le son du groupe semblait rebondir dans chaque recoin de la halle, la voix flippante d'Angus paraissait se glisser à l'infini le long des poteaux de ce lieu aux dimensions absurdes, et la musique était partout, portée par une réverb métallique, irréelle.

Il y avait quelque chose de fascinant dans la façon de jouer des Liars, de répéter les même gestes saccadés. Quelque chose d'inquiétant dans la répétition compulsive de "Mask Maker", ses folles boucles de beats froids qui complétaient si bien la température polaire du lieu. L'impression d'être envahi, presqu'avalé par le son, hypnotisé par la danse tribale à laquelle s'adonnait Angus, transformant un bête hangar vide, en temple d'une cérémonie mystique.

Aussi terrifiant qu'il puisse paraître, le masque d'Angus Andrew - reconnaissable parmi mille autres pour qui a déjà vu les Liars sur scène - avait pourtant quelque chose d'étrangement rassurant : les dizaines de fils de laines colorés qui le constitue sont les mêmes que ceux que votre grand-mère utilise pour vous tricoter ce pull un peu moche dont vous réservez l'usage à l'intimité de vos longues soirées d'hiver. Un paradoxe a l'image de celle du groupe, capable de faire l'une des musiques les plus angoissantes qui soit, en restant l'un des groupe les plus gentils, patients et résistants au froid que nous ayons rencontré - doit-on préciser qu'Angus était torse nu sous sa blouse ?

Quand "Mask Maker" a retenti une dernière fois dans le Pavillon des Marées, l'odeur de poisson si prenante n'était qu'un vague souvenir que nos narines avaient appris à apprivoiser. Le bal des caisses de polystyrène a repris ses droits, balayant les derniers fils de laines qui trainaient encore par terre. Rungis ne dort jamais. Les Liars non plus a priori.