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take away shows — By Furtif

Eagle*Seagull

Parfois, la manière dont les spectateurs involontaires des Concert à Emporter réagissent nous étonne. Celui là, nous pensions qu'il n'en avait rien à faire de ce groupe venu jouer là, sans prévenir. Il était au comptoir du bar de la Réunion, massif et impassible, à boire son demi en regardant dehors, jetant parfois un regard sur Eagle*Seagull jouant Death could be at the door. Il n'a rien dit jusqu'à ce que le morceau se termine, que nous reprenions nos affaires vite fait et que nous passions la porte : « Mais vous ne jouez pas plus ? C'est bien ce que vous faites ! ». Surprise.

Et pourtant, il était comme la plupart des clients, comme le patron aussi : indifférent à ces garçons, cette fille, cette guitare et ces baguettes de batterie embarqués par Vincent Moon dans la rue de Bagnolet pour trouver un piano. Car rien ne pouvait être fait avec Eagle*Seagull sans ça. Pour laisser libre cours à la voix d'Eli Mardock, il fallait qu'on en trouve un. C'est au bar de la Réunion, dans ce troquet à la déco de bric et de broc que nous avons interrompu un couple en train de jouer au billard. Ils se sont mis à coté, nous avons débarrassé les chaises de devant le piano, Eli a testé le son du bastringue et la ballade poignante a débuté.

Pendant qu'ils jouaient, que la rythmique résonnait sur les accoudoirs en fer d'une chaise de camping, Vincent Moon a capté une image saisissante. Leur violoniste, avec son air absent des filles de la Nouvelle Vague, chantait les yeux en l'air, détachée. Derrière, le patron servait ses demis, et notre client impassible semblait figé dans quelque chose qui ne le concernait pas.

Après avoir finalement quitté le bar de la Réunion, nous voulions refaire des morceaux au piano. Quelques centaines de mètres plus bas, le Gobe-Lune. Mauvaise pioche : trop de bruit, trop de monde. Là encore, nous avions débarrassé le piano de clients trop proches. Mais les discussions, les parties de fléchettes et l'animation ont eu raison du son d'Eagle*Seagull. Cette fois, les spectateurs ne nous ont pas retenus. Tant pis.

Pour retourner à la Flèche d'Or, où ils jouaient ce soir là, nous avons remonté la très longue rue de Bagnolet. Le groupe, a commencé très naturellement à jouer Holy. Il y a dans ce long plan quelque chose de fort : Eagle*Seagull remonte la rue comme si de rien n'était, comme si chanter Holy de cette manière n'était rien d'autre qu'une habitude. Ils sifflent tous, croisent des mamies, des jeunes filles, des mamans, des potes. Leur batteur joue sur les rideaux en fer, les volets, Eli mène le groupe naturellement, la violoniste sussurre les paroles, toujours ailleurs. La caméra de Vincent Moon suit le groupe comme un membre à part entière, accroche du regard les mille et une choses du chemin, s'intéresse furtivement au vendeur de roses, manque de se faire écraser au milieu de la chaussée puis se fond de nouveau dans le groupe.

Avant d'arriver à la Flèche d'Or, Eagle*Seagull tente de nouveau de jouer un dernier morceau, ils commencent, en choeur, puis se plantent, rient, reprennent. Ils finissent devant la salle, aligné comme à la parade, pour une conclusion à l'image de l'heure passée avec eux : tellement naturelle.