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take away shows — By msaura

Dirty Projectors

Il devait être aux alentours de 15h30, dans les rues du Greenwich Village blindées de touristes et flâneurs new-yorkais, un samedi après-midi. Je commençais à être bien fatigué, tenant à peine la caméra, laissé aller à suivre tranquillement la joyeuse troupe qui s'emparait de la rue et que j'avais simplement lancé d'un «let's walk in the middle of the street». Alors un homme se rapproche, l'oreille collée au téléphone - «Listen baby, listen, there's a beautiful band playing some music in the street, do you hear it?» qu'il crie presque dans son combiné,«Hey baby? baby? do you hear it? are you there?». L'homme pressé ne semble pas avoir de réponse, et fait un sec demi-tour. Dave se remet alors à hurler à l'exact moment où le passant disparaît du cadre. Merci, et la vie continue qu'ils semblent se dire.

Avant de passer par New York au mois d'avril, juste après une escapade rêvée au festival MusicNOW à Cincinnati, j'avais pris quelques renseignements auprès d'amis bien informés sur les nouveaux groupes à aller filmer dans le coin - et que ce soit des Volcano! aux Grizzly Bear, de Simon Guzy à Rudolph Giuliani, tous n'avaient à la bouche que: DIRTY PROJECTORS.

Soit un homme, Dave Longstreth, et 3 albums et un EP derrière lui, déjà. Trois albums variés et fantasques, aux formations mouvantes, au son en perpétuelle recherche. Et surtout, un nouvel et 4e album, Rise Above, à sortir le 11 septembre chez Dead Oceans, et qui devrait très facilement imposer son auteur comme l'un des génies de la musique actuelle, rien de moins. Personnellement, de très loin la plus belle claque prise depuis des mois, comme la sensation rare de se retrouver avec un truc “nouveau” dans les oreilles, si tant est que cela soit encore possible en 2007.

Alors forcément, un mec qui dans son dossier de presse fait référence au Pierre Menard de Borges ne peut être qu'un ami. Et pas un des plus rangés - Rise Above, produit par Chris 'Grizzly Bear' Taylor, a été écrit à la suite d'une fixette intenable du Dave sur l'album Damaged des Black Flags de 81, une "réinterprétation" toute personnelle puisque entièrement de mémoire, après être retombé dans le grenier de ses parents sur le boîtier vide de l'album de son enfance... Après comparaison, effectivement, restent les titres des morceaux en commun, et une certaine rage punk ré-adaptée à l'époque à travers lyrics vengeurs et hallucinés. Le reste, évidemment, reste à évaluer à l'aune de l'évolution musicale des trente dernières années, ajout de rythmiques africaines en sus voire variation sur style chanté grégorien et explosions lyriques bienvenues.

Le premier morceau du Concert à Emporter a été lancé presque comme un défi - une flic de passage, engueulant des jeunes breakers qui avaient commis je ne sais plus quel délit de sale gueule, Dave qui se jette dans son dos, hurlant à la mort sa missive anti-autorité, elle qui semble ne pas broncher mais sait pourtant qu'elle est la cible du seul vrai allumé du coin, les voix de Amber et Angel qui se mêlent déjà et ne redescendront pas pendant l'heure et quelque que dura la prestation de ces trois anges, entourées de deux autres petites créatures preneuses de son gravitant comme en apesanteur.

Parmi elles donc la brune Angel, sacrée petit personnage aussi, croisée trois jours plus tôt lors d'une session avec Sebastian 'Inlets' (en ligne courant juillet), assurant là encore les choeurs et faisant beaucoup avec son petit visage frondeur qui sait très bien ce qu'il veut - sa musique à elle vaut d'ailleurs absolument le détour, comme si tout ce petit monde avait touché une même grâce rien qu'en communiquant sons et corps. Assise sur les escaliers d'entrée d'un immeuble new-yorkais, son duo de bouches en rond avec Amber sur le magique Gimme Gimme est déjà dans mon panthéon personnel des moments les plus surprenants de l'année, tous domaines confondus évidemment.

Dave Longstreth me fait penser à David Byrne, rien de moins, j'ai même failli lui demander si ils n'avaient pas un lien de parenté. Pour ce simple instant sur Gimme Gimme où son mouvement de tête ne renvoie qu'évidemment au Byrne flamboyant de Stop Making Sense. Tout le reste allait être à l'avenant, parfois visage caché sous capuche militaire, abordage de McDonalds d'une facilité désarmante, tentative désordonnée et foirée de prise d'un jardin pour chiens, rencontre opportune avec un fan de la première heure au détour d'une mélodie, simple balade new-yorkaise si légère que l'on en oublierait presque la violence de l'animal Dave. Un homme qui fait de la rue son bac à sable et écrase les jouets des gamins avoisinants. On avait imaginé les Concerts à Emporter en pensant à Arcade Fire mais en rêvant des Dirty Proj.

Bon voilà, j'ai tenté de le cacher pendant des semaines, mais là après ces quelques lignes plus possible: j'aime Dave Longstreth et ses Dirty Projectors comme l'éclair tombé sur une rue bien grise, comme un ami proche et pourtant jamais encore rencontré. Mais pour le texte un peu trop dithyrambique, je crois que c'est aussi à cause du pullover.