Sitôt le concert terminé, j'étais allé la voir. Elle était souriante, joyeuse. Je lui avais demandé si elle voudrait bien jouer quelques jours plus tard, en première partie de la Soirée de Poche de Father John Misty. Elle avait accepté.
Et la voici donc, dans une lumière bleue, face à un public plus nombreux, plus ramassé, plus proche qu'au Point FMR. Elle n'a qu'un petit ampli à sa guitare, et elle fait comme là-bas, laissant son sourire au vestiaire pour s'avancer vers nous en silence, méfiante, refermée. Elle fait comme là-bas, elle ne sourit pas, ne dit pas bonjour, ne dit pas merci, n'enrobe ses chanson d'aucune politesse. Elle fait comme là-bas, elle réduit tout le monde au silence.
Cette voix profonde, grave, grave même lorsqu'elle monte haut, celle d'une Billie Holiday de l'East End, gouailleuse, ardente, ombreuse. L'ironie qui pointe derrière le petit groove insidieux au début de II. Cette lenteur qui tend minutieusement chaque fil de la chanson vers l'explosion. L'intensité des silences qui égale sans souci celle des cris. Anna B Savage est une chanteuse comme on en voit rarement.
Father John Misty ne s'y est pas trompé. Suite à cette soirée, il l'a invitée à faire sa première partie lors de sa tournée européenne.